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  © Jean Louis CHATELAIN - Annecy le vieux, jeudi 16 octobre 1997
   
         
 
Résumé

Les vols sous les hautes latitudes géomagnétiques offrent la possibilité d'observer les aurores polaires.
Le vol AFR 081 de San Francisco à Paris du 12 décembre 1996, qui est ici relaté, a survolé durablement, de part en part, la trace au sol de l'ovale boréal.
Le phénomène auroral trouve son origine dans la physique des relations soleil-terre.
La manifestation lumineuse du phénomène prend la forme de deux ovales excentrés autour des pôles géomagnétiques.
L’activité solaire est surveillée et l’ampleur du phénomène auroral est prévisible.




Introduction

Le petit Prince de Saint-Exupéry, lors de son voyage interplanétaire, rencontrait l'allumeur de réverbères.
Il y a quelque chose de cette rencontre pour le Pilote à qui il est donné de contempler une aurore polaire.
Le métier de Pilote de Ligne offre en effet une position d'observateur privilégié de ce phénomène luminescent.
J'ai pris l'habitude, depuis quelques années, de noter sur mon calepin de vol les événements remarquables, en particulier les aurores boréales.
Il en est de rares, comme cette aurore visible en région parisienne le 8 Novembre 1991. Je rentrais alors en A310 de Tunis sur Orly et le phénomène est apparu lors de la descente. Il y eut quelques étonnements, exprimés de vive voix sur la fréquence du contrôle.... On le comprend.
Auparavant, j'avais déjà observé une aurore à une latitude inhabituelle. C'était lors d'un vol de Düsseldorf vers Berlin, sur l'A320 F-GFKB "Ville de Rome", le 13 Mars 1989. Le phénomène m'avait particulièrement interloqué, d'autant qu'alors, nous étions toujours soumis aux contraintes du vol à basse altitude, dans le corridor aérien desservant Berlin... La guerre froide n'était pas finie, et qui, alors, eut cru qu'un an après le mur allait "s'écrouler" !
Je n'avais pas encore imaginé, ni appris, que l'on put voir des aurores sous de basses latitudes.

Or il s'avère que cette aurore exceptionnelle a été vue, au sol, depuis la Picardie, la Normandie, l’Orléanais, et le Berry. Elle a également été vue au-dessus de l'horizon depuis la mer des Caraïbes (latitude géomagnétique ~ 25 à 30°). Elle a été associée à un orage magnétique qui est classé comme le plus important depuis 1868. (Cf. L'article de J-P Legrand in "l'astronomie" de janvier 1990)

Pour autant, il est vrai que la zone d'observation "immanquable" des aurores polaires se trouve sous les hautes latitudes géomagnétiques.
L'observation du phénomène auroral, sous ces hautes latitudes, par nuit de nouvelle lune, est en effet certaine. Seule son intensité sera aléatoire... Encore que nous ne soyons pas démunis de moyens pour sa prévision. Nous en reparlerons plus loin.
En 29 ans de carrière, j'ai eu le plaisir de survoler ces régions de nombreuses fois, sur divers types de machines, allant du B707 à l'A340, en passant par le B747 et l'A310.

Ce fut toujours un émerveillement.

Je n'avais qu'une vague idée du phénomène. Les publications Françaises en la matière ne figurent guère, hélas, dans les catalogues des libraires. En fouinant dans une librairie américaine je suis tombé sur un ouvrage édité par l'Université de l'Alaska à Fairbanks. Mais c'est le hasard (ou tout son contraire?), qui m'a fait rencontrer un spécialiste Français de l'aurore boréale. Alors que je me mettais en quête des publications pertinentes, à la bibliothèque de la météo nationale, boulevard Rapp, j'ai eu la chance et l'honneur de faire la connaissance de M. J-P Legrand, physicien, aujourd'hui retraité.
Cet ancien chercheur au CNRS s'est intéressé notamment à la climatologie, ce qui expliquait sa présence en cette bibliothèque (l'un de ses "hobbies" actuels est de rechercher et de restaurer les vieux instruments de physique).
Mais, pour ce qui nous intéresse ici, il a travaillé sur la physique des relations soleil-terre, et il a étudié le phénomène auroral. En particulier, il a effectué des recherches historiques concernant les observations qui en ont été faites.

De celles-ci il ressort qu'au XVIIIe siècle, le Français Jean-Jacques Dortous de Mairan, dans son "traité physique et historique de l'aurore boréale", eut, le premier, l'intuition remarquable de l'existence du vent solaire en mettant en évidence une relation entre certains phénomènes solaires (intensité de la lumière zodiacale et taches solaires) et l'apparition d'aurores. Il en conclut que les aurores étaient produites par l'apport de matière solaire dans les hautes couches de l'atmosphère. (Cf. J-P Legrand in "comptes-rendus de l'académie des sciences" septembre-octobre 1985)

La compréhension des phénomènes auroraux s'est grandement améliorée depuis une quarantaine d'années, précisément depuis les premières missions des satellites "explorer", ces missions ayant débuté en 1958.
Après le récit d'un vol au cours duquel l'observation du phénomène était particulièrement exemplaire, nous donnerons quelques éléments de physique des relations soleil-terre, puis nous aborderons la question de la prévisibilité du phénomène ; nous terminerons par un aperçu socio-historique du phénomène auroral.




Observations faites sur le vol AFR 081 de San Francisco vers Paris, le 12 décembre 1996.

Rendez-vous avait été pris avec le phénomène.

En effet au mois d'octobre 1996, j'avais demandé ce vol, ainsi que le permet notre procédure de desiderata au courrier; j'avais choisi cette période qui était propice, d'une part, car le solstice d'hiver était proche, et d'autre part nous étions en période de nouvelle lune.
C'était alors profiter d'une longue nuit d'hiver et d'un éclairement minimum.
La chance a voulu que la météo soit avec nous pour le choix de la route.
En effet les vents en altitude étaient relativement atypiques. Un retour d'Est assez marqué sur l'atlantique Nord, vers les latitudes 50°, et, à l'inverse, des vents d'Ouest inhabituellement forts (100 kts) au-dessus du détroit du Danemark et de l'Islande, ont déterminé une route de temps minimum beaucoup plus septentrionale qu'à l'accoutumée.
En fait cette route correspondait à une route proche de celles que nous empruntons habituellement sur le vol "aller" vers San Fransisco, de jour.
Nous avons décollé de l'aéroport international de San Fransisco à 00:32 UTC, et, très tôt après, a eu lieu le coucher apparent du soleil, peu après le survol du VOR de Mustang (c'est-à-dire à Reno, dans le Nevada).
Il était 1:00 UTC et nous sommes alors rapidement entrés dans la nuit d’hiver.
Nous avons fait route en direction de Great Falls dans l'état du Montana, puis avons survolé le Canada, passant légèrement à l'est de Calgary (province de l'Alberta).


 
 
   
Notre route, située au nord de l'orthodromie, traversait ensuite les provinces du Saskatchewan, du Manitoba, et rejoignait la baie d'Hudson au-dessus de la base de Churchill. Elle quittait ensuite le continent nord-américain sur la terre de Baffin, au nord d'Iqualuit (anciennement Frobisher), puis rejoignait le Groenland près du fjord de Sondeströem, et, après un survol de l'Islande, atterrissait sur les côtes d'Europe vers l'archipel des îles Hébrides.

C'est dire que nous allions passer, selon toute vraisemblance, à l'intérieur de la trace au sol de l'ovale auroral.

Nous étions, comme prévu, établis en croisière à 37000 ft, et au-dessus de la couche de nuages, la tropopause se trouvant, dans ces régions, durablement plus basse. Mon appareil photo était prêt, nous commencions alors à deviner la lueur aurorale, très basse sur l'horizon, à gisement zéro, c'est-à-dire de part et d'autre de l'azimut 040°. Il était environ 02:30 UTC, et la position était proche du VOR de YYN.

Vers 3:10 , aux environs du 54 N / 100 W l'aurore, quoique basse sur l'horizon, était très visible, aux environs de l'azimut 030* vrai.

Je commençais alors une série de photos dont je vous propose deux exemplaires :
 
 
 
         
 
Vers 4:00, dans les environs de Churchill, nous commencions à passer sous l'ovale, l'arc auroral étant alors observé de l'horizon gauche à l'horizon droit, en passant par une hauteur proche du zénith.
 
 
     
   
Par 63°30 N / 80° W, à 5:00, nous étions manifestement à l'intérieur de l'ovale, l'aurore boréale étant observable approximativement entre les azimuts 060° et 200°, donc sur notre droite (nous étions établis sur la route vraie 060°), à une hauteur de 20 à 30° au-dessus de l'horizon.A 5h45, par 66 N / 65 W, nous approchions d'un nouveau passage sous l'ovale, l'arc auroral étant alors vue entre les azimuts 060° et 210° environ.

Par 66° N / 55°W, à 6h20, nous étions encore plus proches, l'aurore était visible entre les azimuts 020° et 210°, notre route vraie étant au 090°.

A 6:45 nous passions pour la deuxième fois, manifestement, sous l'ovale, notre position étant au 66° N / 45° W.
Mon tour de repos étant alors arrivé, j'allais dans le poste de repos et confiais la fin des observations aux deux pilotes. Ceux-ci ont pu voir la lueur aurorale jusqu'à 0:h25.

Nous étions alors aux environs du 30° W par 65° N.

Au total, on peut décompter près de 5 heures d'observation du phénomène sur ce vol mémorable.

J'ai observé de nombreuses autres aurores antérieurement.

Certaines étaient particulièrement spectaculaires par leur luminosité et par l'intensité du flux de particules qu'elles dénotaient au travers des gerbes de lumière mouvantes que nous pouvions admirer. Ce fût le cas en particulier le 2 octobre 1991 sur un vol de Chicago vers Paris en A310, ou encore le 19 août 1996 en A340, sur un retour de San Fransisco, toujours en direction de Paris.

Les occasions de passer à l'intérieur de l'ovale, et en conditions de pouvoir l'observer, sont rares sur l'actuel réseau d'Air France.
Ayant le sentiment que le phénomène, en cette nuit du 12 décembre 1996, était d'une intensité modeste, j'entretiens l'espoir de me retrouver un jour dans de telles conditions, mais avec la conjonction bénéfique d'un orage magnétique...
 
         
 
... J'en accepte d'avance les inconvénients au niveau des communications radio, et de ma propre exposition aux rayonnements cosmiques, en imaginant le feu d'artifice dont j'aurai alors le bonheur de jouir.
 

 
Éléments de Physique des relations soleil-terre

Le soleil
Vent solaire, éruptions solaires.


Le soleil envoie dans le milieu interplanétaire d'énormes quantités de matière. Cette matière est émise au niveau de la photosphère sous la forme de particules élémentaires, électrons et protons, de basse énergie. Le phénomène est permanent. Cette matière voyage dans le milieu interplanétaire sous l'appellation de vent solaire.
Des éruptions chromosphériques solaires (en Anglais, "solar flares") émettent parfois des particules de grande énergie, durant un temps relativement court, de l’ordre de l’heure.
L'activité solaire est variable selon un cycle d'une durée moyenne d'onze ans. Il y a donc alternance de périodes de faible et de forte activité, selon ce cycle moyen.
Le dernier maximum date de 1990.
L'histoire de cette science a néanmoins pu faire ressortir des exceptions à cette période d'onze ans, telle la période dite du "minimum de Maunder", qui dura environ 70 ans, au XVIIe siècle. (En fait, selon M. Legrand, la récurrence des observations d'aurores polaires à cette époque tend à montrer que le cycle se poursuit selon cette période moyenne d'onze ans mais avec une amplitude plus faible).

Selon ce cycle moyen nous devrions connaître aux environs de l'an 2000 un nouveau maximum d'activité.


Héliomagnétisme et activité solaire.
L'activité solaire est la conséquence de l'évolution de deux champs magnétiques, l'un dipolaire, l'autre toroïdal.
Le champ dipolaire (quelques centaines de gauss) varie en intensité au cours d'un cycle de onze ans et dirige l'émission continue du vent solaire.
Le champ toroïdal (quelques milliers de gauss) émerge plus ou moins fréquemment à la surface de la photosphère selon aussi un cycle de onze ans, pour former des boucles magnétiques à la base desquelles apparaissent les taches solaires. Ces deux cycles, dont la polarité s'inverse tous les onze ans, sont liés l'un à l'autre et déphasés de trois à quatre ans environ, le maximum d'intensité du champ dipolaire se produisant au cours de la phase descendante du cycle de taches.

1) Le cycle du vent solaire
La vitesse d'émission du vent solaire augmentant avec la latitude héliographique (300 Km/sec à l'équateur et environ 800 Km/sec aux hautes latitudes), au minimum d'intensité du champ dipolaire, la Terre est balayée par du vent solaire de faible vitesse du fait de la rotation du soleil en vingt sept jours (cf. figure 1).
 
         
   
  Figure 1  
         
 
Au maximum d'intensité du dipôle solaire, les lignes du champ sont rabattues vers l'équateur solaire, ce qui permet au vent solaire de grande vitesse, de balayer la Terre aux périodes équinoxiales, périodes au cours desquelles notre planète atteint une latitude héliographique de ± 70°,2 par suite de l'inclinaison de l'équateur solaire sur l'écliptique.


2) Le cycle des taches
Dix pour cent des groupes de taches, apparaissant aux pieds des boucles magnétiques, présentent une forte activité caractérisée par une émission continue de rayons X, d’ultraviolets et d'ondes radio - électriques. Ils sont le siège d'éruptions chromosphériques qui peuvent être parfois violentes avec émission de protons d'énergie comprise entre quelques Mev et 15 Gev, et d'une onde de choc.
Ces ondes de choc, comme les jets de vent solaire, lorsqu'ils atteignent la Terre, sont à l'origine des orages magnétosphériques, constitués par l'aurore polaire, l'orage magnétique et l'orage ionosphérique.


Rayonnement cosmique et énergie
Tout le rayonnement n’est pas d’origine solaire.
Le rayonnement cosmique primaire, c'est-à-dire avant pénétration et collisions dans l’atmosphère, a une énergie qui peut aller de 108 eV à 1023 eV. Il est considéré aujourd’hui que le rayonnement de très haute énergie (>1019 eV) est d’origine extra-galactique.




La Terre
Géomagnétisme
La terre à un champ magnétique d'origine interne. Son évolution est liée aux courants de matière dans le noyau de fer liquide. Ce noyau est en fait le siège de la "géodynamo".
 
   
  Fig. 2
Représentation du dipôle magnétique de la Terre - (extrait de "Espace Information" - N°18 - 1980)
 
         
 
Schématiquement, on peut assimiler la terre à un dipôle magnétique simple (Cf. Figure 2), légèrement excentré et incliné de 11°4 par rapport à l'axe des pôles géographiques. Ce dipôle a son pôle "nord" dans la région de Thulé au Groenland , par 79° N et 69° W (il s'agit en fait, selon les conventions du magnétisme, d'un pôle Sud).
Le pôle "sud" géomagnétique se trouve dans la région de Vostok en Antarctique.
 
   
  Figure 3  
     
 
Ce champ magnétique s'organise en altitude selon des lignes de flux qui se raccordent à ce dipôle. Si l'on s'éloigne de quelques rayons terrestres, ce champ va se modifier et faiblir jusqu'à une zone de transition vers le milieu interplanétaire.
Le champ magnétique terrestre est en effet confiné par le vent solaire dans un volume en forme d'oeuf oblong (ou en forme de comète) qui joue le rôle d'un bouclier par rapport au plasma solaire. Cet oeuf, qui matérialise la limite d'influence du champ magnétique terrestre, a pour nom magnétosphère. La "coquille" de l'oeuf, zone de transition entre le champ magnétique terrestre et le champ magnétique interplanétaire, a pour nom magnétopause (Cf. Figure 3).


Pôle magnétique et pôle géomagnétique.
Le pôle magnétique se distingue du pôle géomagnétique par le fait qu'à la surface de la terre le champ magnétique terrestre connaît des irrégularités, du fait de l'influence de la croûte terrestre. Ainsi le pôle "nord" magnétique, déterminé par le lieu où l'inclinaison magnétique est maximale (90°) ne se situe pas près de Thulé mais environ 550 nautiques au nord du golfe de la Reine Maud, dans le détroit de MacLean (par 77° N et 105° W).


Explication du phénomène auroral.
Le plasma de protons et d'électrons provenant du soleil va en grande partie contourner la carapace que représente la magnétopause.
Une partie de ce plasma va cependant pénétrer la magnétosphère et les particules vont alors être sous l'effet du champ magnétique terrestre. Une partie de celles-ci va se trouver piégée dans une zone de piégeage instable, zone en forme de tore se trouvant entre 5 et 10 rayons terrestres au-dessus de l'équateur géomagnétique. Cette zone fait partie des "ceintures de Van Allen", du nom du physicien américain qui les a mises en évidence, à partir des données de la mission explorer II.

Enfin, une partie de ces particules du vent solaire va rejoindre la haute atmosphère. Elles vont être accélérées et précipitée vers les latitudes polaires de la magnétosphère, c'est-à-dire vers les pôles géomagnétiques.
Lors de l'entrée de ces "gerbes" d’électrons dans la haute atmosphère, des collisions multiples se produiront, ionisant et excitant les atomes d'azote et d'oxygène. Il en résultera des mécanismes complexes de transferts d'énergie et de recomposition atomique, au cours desquels seront libérés des photons.

C'est ainsi que l'on pourra voir l'aurore polaire.

De fait, le phénomène auroral se concrétise, de manière permanente, sous la forme d'un ovale lumineux centré sur le pôle géomagnétique.
L'interaction du vent solaire et de la magnétopause génère donc des courants électriques, ce qui a conduit certains auteurs à parler de "générateur auroral".

Ce générateur a une puissance variable.

En cas d'activité solaire importante, l'activité aurorale va croître. Ce sera en particulier vrai lorsqu’une onde de choc produite par une éruption chromosphérique va heurter la magnétosphère.
Si le phénomène est particulièrement violent, la zone de piégeage instable va se contracter et l’ovale auroral descendra en latitude pour donner naissance à une aurore boréale et australe de moyenne et basse latitude.

Ainsi, l'ovale auroral est-il descendu au-dessous de 50° de latitude géomagnétique le 13 Mars 1989 lorsque l'aurore a été vue en France, atteignant la verticale de Bourges.
Par ailleurs, quand le champ magnétique du dipôle solaire devient relativement conséquent, durant la phase de décroissance du cycle de taches, le passage de la terre au plus près des hautes latitudes héliographiques (au printemps et à l'automne) se traduit par une augmentation de l'activité aurorale.
Le phénomène auroral est répliqué aux deux extrémités de l'axe des pôles géomagnétiques, de sorte qu'un ovale austral symétrique de l'ovale boréal se trouvera simultanément au-dessus du pôle sud géomagnétique.
 
   
         
  Fig. 4
Illustration of the method of observing the conjugacy of aurora by aircraft flown from Alaska and New Zealand to arrive simultaneously at conjugate points.
The map at right shows both geographic and geomagnetic latitudes and longitudes, on the map border and along the flight paths, respectively.
(Examples of conjugate points are the 10 pairs of dots on the heavy solid lines over Alaska and south of New Zealand).
 
         
  A la fin des années 60 cette dualité avait fait l'objet de plusieurs missions en vol consistant à coordonner, en référence géomagnétique de longitude égale et de latitude opposée, les trajectoires de deux avions, l'un dans l'hémisphère nord et l'autre dans l'hémisphère sud (Cf. Figure 4). Les photographies prises alors avaient mis en évidence la symétrie.
Les mesures de précipitation de rayons X auroraux par ballons stratosphériques ont aussi confirmé cette symétrie.
 
         
   
 
 
Ces deux ovales ont depuis été photographiés par satellite.
 
 

La partie excentrée de l'ovale se trouve toujours à l'opposé de la direction du soleil par rapport au pôle géomagnétique. De telle sorte, depuis le sol, on observera l'ovale auroral d'autant mieux, et avec une meilleure probabilité, dès lors que l'on se trouvera au-dessous de celui-ci à l'heure du minuit géomagnétique (alignement soleil, Pôle géomagnétique, station), proche du minuit local. Ce phénomène se situant à des altitudes comprises entre 100 et 400 km environ, si les conditions atmosphériques sont bonnes, on peut espérer observer , sur l'horizon, une aurore située au zénith d'un lieu éloigné de 1100 à 1500 km.
 
         
   
         
  Fig. 5
Localisation de l'ovale auroral à 14 heures T.U. représenté par la zone blanche et position de la zone aurorale représentée par la zone hachurée.
Aux environs de minuit, heure locale, les deux zones coïncident.
 
         
 
Ceci détermine une zone géographique, en forme de bande excentrée par rapport au pôle géomagnétique, à l'intérieur de laquelle la probabilité d'observer le phénomène auroral sera maximale.
Cette zone est appelée zone aurorale et apparaît dans la figure n° 5. Elle est en fait la trace de l’ovale auroral aux environs du minuit local
La couleur de la lumière aurorale est communément d'une longueur d'onde de quelque 557 nm (nanomètres) correspondant à une lumière verte émise par les atomes d'oxygène. Lorsque la lumière devient rose, elle correspond à l'excitation d'atomes d'azote.
La variabilité du phénomène de l'aurore se manifeste, 4 ou 5 fois par jour, par un sous-orage magnétique durant lequel l'aurore se ravive.




Prévisions de l'activité aurorale

L'aurore de cette nuit sera-t-elle exceptionnelle? Sur cette route un peu sud, a-t-on des chances de voir l'aurore?
Bien que le phénomène auroral soit permanent, son ampleur est évidemment liée à l'activité solaire.... Et celle-ci est suivie par la communauté scientifique mondiale comme jamais auparavant. Différents satellites sont utilisés à cette fin, comme le satellite météorologique NOAA/TIROS, ou comme le satellite SOHO, commun à la NASA et à l'ESA, qui est dédié à l'observation du soleil, et qui est en service depuis février 96. (Cf. "Pour la Science" Août 1996)

De ce dernier on attend une meilleure compréhension de la genèse du magnétisme solaire, responsable de l'activité solaire.
En attendant, le décalage entre une éruption importante et son effet sur la terre (deux jours plus tard) permet une prévision de l’orage magnétosphérique et par conséquent de l'activité aurorale.

En France, l'observatoire de Paris Meudon possède un centre de prévision solaire, en mesure d'informer sur un événement attendu (tél. 0145077770).
Le centre de Meudon fait partie du réseau international de l'ISES (International Space Environment Service) qui collecte les données solaires, géomagnétiques, et ionosphériques recueillies par les différents centres répartis dans le monde.
Il dispose d'un site Internet dont la page d’accueil se trouve en http://www.obspm.fr
Il publie un une observation en direct à l'URL Internet: http://www.obspm.fr/département/dasop /prévi/w3/prévi.html

Aux USA, la National Oceanic and Atmospheric Administration suit l'activité et ses conséquences en tant que orages géomagnétiques, orages à radiations solaires, ou silences radio (geomagnetic storms, Solar Radiation storms, Radio blackouts), et publie en en-tête de l'URL suivante et pour chacune des conséquences ci-dessus, une probabilité d'occurrence : http://www.swpc.noaa.gov/noaa-scales-explanation#

 
   
         
         
 
Aperçu historique et sociologique

Contrairement à l'idée communément répandue, les aurores "polaires" peuvent être vues sous diverses latitudes, si les circonstances s'y prêtent. M. Legrand, qui a fait une recherche historique en la matière en remontant dans les archives scientifiques, a relevé que des aurores avaient pu être vues jusqu'à 10° de latitude géomagnétique (Sud en l’occurrence).

L'ovale auroral a une position moyenne qui se trouve vers la latitude géomagnétique 66° et à l'opposé de la direction du soleil.
Aujourd'hui, le maximum d'extension connu de l'ovale auroral, selon J-P Legrand, se situe aux environs de la latitude géomagnétique 30°. Ainsi, le 7 septembre 1635 une aurore rouge a été observée en direction du zénith au Japon. Le 25 septembre 1909 une aurore fut observée au-dessus de l'horizon de Singapour (latitude géomagnétique 10° sud), ce qui situe probablement l'ovale au-dessus de la latitude géomagnétique 30°. (Cf. L'article de J-P Legrand in "l'astronomie" de janvier 1990)

En 1989 l'aurore dont il est question par ailleurs dans cet article a été vue à une latitude subtropicale. Elle a en effet été vue à Mexico !!!

C'est l'astronome Français Pierre Gasendi (1502-1655) qui le premier attribua le nom Latin "aurora borealis" à ce phénomène. Le fameux astronome Anglais Sir Edmund Halley (1656-1742) observa depuis Londres la fameuse aurore du 17 Mars 1716, qui fut observée de l'Amérique du Nord à la Russie, et de la Scandinavie à l'Italie et au Portugal). Il attribua le phénomène à de l'évaporation magnétique depuis la terre.

Cette aurore ne fut pas vue en France du fait des conditions météorologiques mais une grande aurore boréale y fut observée le 19 Octobre 1726. Devant l'effroi provoqué l'Académie Royale demanda à J.J. Dortous de Mairan d'expliquer le phénomène.

Dans son "traité physique et historique de l'aurore boréale" il fut le premier à émettre l'hypothèse d'une origine solaire aux aurores par "apport de matière solaire au sommet de l'atmosphère".


Mythologie
L’observation des aurores est relatée depuis des milliers d’années. Les écrits Chinois, Grecs, et Romains en attestent. Des gravures anciennes les illustrent, comme cette gravure sur bois figurant une aurore à Nürenberg en octobre 1591 (Cf. Figure 7)

Les aurores ont souvent engendré des frayeurs, voire des terreurs, et les populations concernées leur ont associé diverses appellations à connotation mythique ou superstitieuse :
Au moyen-âge, lignes de soldats, cohorte de fantassins, nuée ardente, ennemis ensanglantés, signes de l’Antéchrist...
Chez les Anciens Grecs et les Romains, ravin, pluie de sang, torche, flèche...
Chez les Chinois, dragons, fissures dans le ciel, glaives...
Le présage de la fin du monde a maintes fois été clamé...
 
   
  Fig. 7  
 
 
 
Bibliographie

J-P Legrand "Introduction élémentaire à la Physique cosmique et à la Physique des relations terre soleil" T.A.A.F. Paris 1984
J-P Legrand in Comptes-rendus de l'académie des sciences, tome 2, n°5, Sept.-Oct. 1985
J-P Legrand in Comptes-rendus de l'académie des sciences, tome 8, 1991
J-P Legrand in Revue "L'astronomie" - Janvier 1987
J-P Legrand in Revue "L'astronomie" - Janvier 1990
J-P Legrand in Revue "L'astronomie" - Avril 1990
J-N Capdevielle Les rayons cosmiques - Que Sais-je ? - 1984
Neil Davis The aurora watchers University of Alaska Press
Dossier "l’atmosphère", "Pour la Science" - Juin 1996
Hors-série Soleil Science & Avenir - Août 1996
"Pour la Science" - Août 1996
Swissair Gazette - Janvier 1986
 
 
 
 
Note sur les prises de vue photographiques

Celles-ci ont toutes été faites à travers le pare-brise du cockpit de l’A340 (qui est d’une épaisseur respectable), avec un appareil 24x36 et un objectif d'une focale de 24 mm. L'ouverture était maximale (f 2.8). Le film utilisé était un film Fuji de 400 ASA. Les temps de pause ont varié entre 8 et 15 à 16 secondes. Les meilleurs résultats semblent obtenus avec les pauses les plus longues.
 
         
Sommaire
Croisière sous l'ovale auroral - Pérégrinations africaines - Une qualif dans les années 40 - Le dernier vol du FB
La dernière boucle du supersonique - Le chemin de Guillaumet