Après le premier vol des frères Wright, l’aviation va se contenter de ces balbutiements initiaux jusque vers 1907. Comme si, face à la réalité du phénomène, l’incrédulité avait touché les premiers aviateurs eux-mêmes !
Puis tout ira très vite. De 1908 à 1910, les records d’altitude et de distance vont tomber les uns après les autres. 1909 marque les esprits par l’exploit de Blériot qui démontre que l’avion peut franchir la mer. Dès lors, tout semble possible. Chavez franchit les Alpes en 1910, et Garros la méditerranée en 1913.
C’est hélas la première guerre mondiale qui va donner de l’ampleur à la construction aéronautique et à l’effectif des pilotes.
Les stocks d’avions et le nombre important de pilotes disponibles après la fin des hostilités vont permettre les débuts du transport aérien, à commencer par celui de la poste, car le risque aérien est alors considérable.
Les grands raids aériens vont également commencer.
Mais le véritable grand défi est celui de l’Atlantique Nord. C’est celui de la distance franchissable à laquelle s’ajoute le danger du mauvais temps. Sur l’océan, les brumes et les Icebergs (le Titanic sombre en 1912), en l’air les vents, la turbulence, le givrage, les orages, la pluie ou la grêle, le froid, la nuit (car la durée du vol ne permet pas d’y échapper).
C’est véritablement effrayant.
Et cependant des hommes courageux vont s’y attaquer.
Les vents dominants soufflant de l’ouest, les tentatives se feront au départ du continent Américain.
Les premiers à réussir l’exploit seront John ALCOCK et Arthur BROWN. Ils vont relier Terre Neuve à l’Irlande en 1919.
Plusieurs tentatives dans le sens est-ouest n'aboutirent qu'à des drames, comme celui de Charles Nungesser et François Coli disparus en mai 1927 à bord de l'Oiseau blanc.
Un Béarnais, Raymond Orteig, émigré aux Etats-Unis où il y a fait fortune, lance, un défi assorti d’un prix de 25000 $ au premier qui reliera New York à Paris sans escale.
C’est à Lindbergh que reviendra le prix….Et la gloire.
La première femme à réussir la traversée sera Amelia Erhart.
C’est à l’approche de la deuxième guerre mondiale que les tentatives en transport aérien se réaliseront. La mode est alors aux hydravions car l’idée a cours que ceux-ci apportent une sécurité supplémentaire par la possibilités qu’ils ont d’amerrir. L’ingénieur Couzinet quant à lui tente de miser sur la vitesse des avions « terrestres » comme facteur de sécurité et Mermoz aidera à en apporter la démonstration lors des fameuses liaisons sur l’Amérique du Sud.
La nouvelle compagnie Air France crée une filiale Air France Atlantique et Guillaumet va alors défricher la route lors de raids effectués sur les hydravions géants Latécoère. La route Sud, par les Açores, a la préférence car elle permet d’échapper pour partie au mauvais temps.
La guerre une fois de plus va changer la donne avec le progrès en vitesse et autonomie des avions terrestres. Les premières traversées en DC4 auront lieu.
Le 1er juillet 1946 Air France ouvre la ligne Paris New York. La liaison est baptisée « ligne du ruban étoilé ».
L’exploitation en DC4 se fait par la route Nord, avec escales en Islande et à Terre Neuve. Il faut alors pas loin de 24 heures pour relier les deux villes !
La première liaison est assurée en 23 heures et 45 minutes à la moyenne de 305 km/h.
Il y a alors deux services aller et retour par semaine.
Puis viendront les Lockheed Constellation qui amélioreront le confort avec la pressurisation. Les Super Constellations permettront le vol sans escale, mais la durée du vol est encore de 16 à 18 heures.
En 1959, l’arrivée des jets (Boeing 707 « intercontinental », Douglas DC8, Convair Coronado, Vickers VC10) va permettre de diviser le temps de vol par deux et, grâce à l’élévation de l’altitude de croisière (dans les 9000 mètres) il sera alors possible d’éviter une bonne part du mauvais temps.
C’est l’âge d’or du transport aérien. Les liaisons maritimes vont disparaître.
Les années 70 connaîtront la densification du trafic avec l’arrivée des gros porteurs (Boeing 747, Douglas DC10, Lockheed Tristar).
L’aventure extraordinaire du transport aérien supersonique durera de 1976 à 2003. Concorde sera le vaisseau amiral des deux seules compagnies au monde à offrir ce service : Air France et British Airways.
C’est le luxe de la vitesse (3 heures vingt pour relier Paris à New York), du traitement de VIP, et peut-être surtout de la rareté : Les happy few du transport aérien.
Aujourd’hui les liaisons sans escale se sont multipliées et le trafic a connu un tel développement qu’en 2004 on a pu compter 370 000 traversées de l’Atlantique Nord!
Le moins que l’on puisse dire est que l’on ne s’y sent plus seul, les avions suivent à la queue leu leu des routes préétablies et sont comme sur des rails.
Lindbergh doit se retourner dans sa tombe.
Mais, si la magie a disparu, l’Atlantique Nord reste un parcours qui, pour les pilotes, force le respect. D’abord par son environnement hostile, en particulier l’hiver.
L’Atlantique Nord est sans doute, dans l’imaginaire des équipages des longs courriers, autant évocateur que Terre Neuve ou le cap Horn ont pu l’être pour les marins (Bretons et autres). L’hiver, et aux alentours des équinoxes, on y rencontre des vents soufflant jusqu’à quatre cents kilomètres à l’heure au-dessus de Terre Neuve ! Les turbulences en ciel clair sont autant inattendues que durables. Ainsi les équipages communiquent-ils sur une fréquence commune inter pilotes pour s’avertir des risques rencontrés : La solidarité des compagnons de l’air pallie l’absence d’outil de détection approprié.
L’Atlantique Nord est aussi pour ces équipages des longs-courriers un domaine aéronautique à très haute technicité : C’est sans aucun doute l’environnement réglementaire le plus exigeant qui soit, du fait des difficultés de la navigation océanique dans un système de routes prédéterminées mais changeant deux fois par jour, avec un trafic intense et des moyens de communications peu performants, jusqu’à aujourd’hui.
L’Atlantique Nord, c’est aussi, pour toute une génération de pilotes, le poids de l’histoire de sa traversée.